Nous prenons la route de l’Espagne sous une chaleur de plomb. Il est délicieux d’écouter de la musique au milieu d’une multitude de voitures parce c’est le premier jour, le début de quelque chose de nouveau.




Elanxobe est au bout d’une route qui semble ne mener nulle part. Une route qui monte à n’en plus finir à travers les forêts de sapins. Une route de montagne qui arrive au bord de la mer. Le village est à flanc d’un massif sombre, tout en bas, accessible par des escaliers interminables, le port minuscule. Des enfants plongent de la jetée, se baignent au milieu des bateaux de pêcheurs.


Il ne fait pas beau, pas beau du tout, le ciel est bas, sombre. Cela me plonge dans une mélancolie démesurée. Je porte la responsabilité du mauvais temps. Mon téléphone m’indique qu’il pleuvra la semaine entière. Tous les autres sont à Marseille ou en Grèce, ils profitent d’un temps de rêve, en Bretagne il fait trop chaud. Parce que les gens dont j’observe la vie sur Instagram, à eux seuls, deviennent le reste du monde.
Le reste du monde prend le soleil.




Quelque chose d’inattendu se produit, le ciel est bleu, nous sautons de joie. Nous enfilons nos maillots de bain et courons à la plage. On se réjouit de la température de l’eau, de sa transparence, de ses reflets bleutés. On se prend en photo. On exulte. On plonge, on nage, on s’éclabousse. On crie de joie.



Le ballet incessant des voitures, des bateaux, des passants, des nuages, des vagues, des avions… Cette expression « le ballet incessant », plus littéraire qu’orale, s’est installée dans mon esprit, j’imagine des phrases la contenant. Je l’utilise dès que je peux.


Je ne fais pas de photo. Je me baigne, je marche, je regarde. De temps en temps j’emprunte l’appareil de Yuko et capture quelques instants. Je laisse le mien dans la chambre d’hôtel. Au bout d’une dizaine de jour je suis envahie par la culpabilité. Je rechigne pourtant à prendre l’appareil en dehors de la maison.


Je me réveille la première, je fais pipi, me lave les dents, j’enfile mon maillot de bain, une robe en éponge, le plus discrètement possible je sors de la chambre, je descends les escaliers, traverse le hall désert de la Pension Dorada. Je me dirige vers la plage. Je marche jusqu’à atteindre l’eau, je la longe sur la gauche. Arrivée à mon endroit préféré, je pose ma serviette sur le sable. D’un pas vif j’avance vers l’océan et m’immerge dans l’eau fraiche.
Je ris. Je ris toute seule dans l’eau. Je nage un peu. Je flotte.


L’éclaircie est terminée. Lassés par les croquetas et autres nourritures grasses nous déjeunons sur le balcon de la chambre des filles. Sur la table en plastique blanc, des tomates, une boite de thon, des chips, du pain et des prunes. Pierre a pensé au couteau, et la fourchette que j’ai volée hier au restaurant est bien utile.




Je ne regarde les photos que le 28 septembre, elle me procurent du plaisir et l’évocation immédiate de certains souvenirs. Je peux fermer les yeux et retrouver la sensation de l’eau, rien n’est plus délicieux que la sensation de l’eau fraîche qui enveloppe mon corps.